"Y
a-t-il une émotion américaine qui l’emporte sur tout ? Oui, les sapins
bleus du Colorado ! J’y ai passé trois mois fondateurs à nettoyer,
avec une sulfateuse et de l’acide, les racines des arbres rongées
par des scarabées voraces. J’ai découvert, dans cette forêt
d’Uncompahgre, la beauté absolue de la nature". Ainsi parlait Philippe Labro, en se remémorant ses premières années passées aux Etats-Unis, au début des années 1950. Tombé amoureux de l'Amérique, il y a 71 ans, cet écrivain-journaliste nous a quittés le 4 juin 2025, à l'âge de 88 ans.
En 1954, Philippe Labro a tout juste 18 ans, lorsqu'il décroche une bourse pour poursuivre ses études aux Etats-Unis, à
l'université Washington et Lee de Lexington (Virginie). A son arrivée à New-York, le jeune natif du Tarn-et-Garonne est littéralement fasciné par ce qu'il y trouve. "Je découvre une ville multicolore, vivante et automobile, alors que je sors d’un Paris monochrome. Je vois
des êtres humains qui ne ressemblent, ni à mes parents, ni à mes
frères, ni à mes copains. A l’époque, les Américains ne sont
pas gros. Les hommes ont presque tous la coupe en brosse et les femmes, plutôt belles, sont inaccessibles".
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Philippe Labro étudiant aux Etats-Unis en 1954 |
Deux ans plus tard, pourquoi Philippe Labro ne reste-t-il pas aux Etats-Unis ? "Mon frère faisait la guerre d’Algérie.
Je pensais que c’était celle de ma génération. Je songeais à Norman Mailer qui, à 20 ans, s’était
engagé dans la guerre du Pacifique en se disant : J’ai un roman
là-bas. Je me disais que la guerre d’Algérie sera un bon
roman". Philippe Labro l'écrira en 1994, son titre "Des feux mal éteints". Mais le jeune journaliste ne reste pas longtemps éloigné de l'Amérique. En 1963, à 27 ans, en tant que correspondant
de "France-Soir" aux Etats-Unis, il se retrouve l'un des deux seuls reporters français (avec François Pelou de l’Agence France Presse) présents, à Dallas (Texas), au lendemain de l'assassinat du président John Fitzgerald
Kennedy, le 22 novembre de cette année-là. "Sur
place, j'ai vu Oswald [tueur présumé de JFK], rencontré Jack Ruby, la veille du
jour, où il assassina Oswald", témoignera plus tard Philippe Labro. Un
moment historique qui marque la carrière du jeune journaliste et lui permet de faire la une de France Soir, durant plusieurs jours.
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Johnny Hallyday et Philippe Labro en 1970 |
Au début des années 1970, en plein période hippie, Johnny Hallyday cherche à changer de répertoire. Finis les titres yé-yé, place aux chansons à texte. C'est Philippe Labro qui - après une première collaboration sur son album "Vie", avec la chanson "Jésus-Christ" comparant le Christ à un hippie - est le premier à écrire un album entier pour le chanteur. C'est "Flagrant délit", aux sonorités country, blues et gospel, largement inspirées par l'Amérique. La plupart des titres sont des adaptations en français de chansons d'artistes américains : John Fogerty des Creedence Clearwater Revival, Gary Wright de Spooky Tooth, Leon Russell et Hugh McCracken. L'album est enregistré à Londres avec des musiciens américains. "Je suis parti avec ma petite machine à écrire, ils m'ont enfermé
dans une chambre d'hôtel, juste à côté des studios Olympic, où les
Beatles enregistraient d'habitude", se rappelle Philippe Labro. Fin 2024, au moment de l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, le journaliste-écrivain ne mâche pas ses mots à l'encontre du nouvel occupant de la Maison-Blanche. "Donald Trump, c'est John Wayne puissance 1 000".
Herve CIRET
Interview de Philippe Labro, en 2012, à l'occasion de la sortie de son livre "Mon Amérique"
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