lundi 12 décembre 2016

Richard Gilly, le bluesman des mots lunaires


En 1977, à une époque où le web n'existe pas encore, Richard Gilly enflamme les ondes radios, avec son titre rock "Portrait de famille", aux riffs de guitares distordus. 40 ans et un 7e album plus tard, le folk-rocker s'est assagi. Il nous propose "Les Contes de la Piscine après la Pluie", dont le premier titre, "J'ai tout mon temps", semble faire écho à son fameux "Va lui dire que c'est une conne" interdit de radio en 1977.

Un album intimiste, produit et enregistré aux Etats-Unis, par son ami, Freddy Koella, ex-guitariste de Willy DeVille, ayant également accompagné Bob Dylan et Francis Cabrel en tournée. Nous avons rencontré Richard Gilly, alors qu'il s'apprête à sortir le clip vidéo d'un titre, "Avalanche", non publié sur son dernier album, évoquant les guerres auxquelles les civils et, notamment, les enfants, sont confrontés. Au printemps 2017, une compilation de ses meilleurs titres pourrait sortir au format vinyle, à l'occasion du Disquaire Day.


Votre dernier album a de nouveau été enregistré aux Etats-Unis ?

Freddy Koella
Depuis mes deux derniers disques "Rêves d'éléphant" (1993) et "Des années d'ordinaire" (2002), produits et enregistrés par Freddy Koella, ce dernier a déménagé de la Nouvelle-Orléans (Louisiane) à Los Angeles (Californie). Mais, contrairement aux précédents albums, cette fois-ci, Freddy et moi avons travaillé via Internet. Car, j'avais encore plus de problèmes à résoudre que lors des albums précédents et, cette fois-ci, je n'ai même pas eu les moyens de me payer le voyage aux USA ! (rires)

Comment s'est déroulée cette collaboration à distance ? 

J'enregistrais chez moi, ma voix et ma guitare, et j'envoyais les fichiers audio par WeTransfer à Freddy Koella et lui rajoutait d'autres parties de guitare, une batterie, une basse et me renvoyait les fichiers ainsi enregistrés. Après, si besoin, on en discutait sur Skype et il apportait un peu de sel et de poivre à mes compositions. Cela a duré une petite année, car Freddy Koella était mobilisé, par ailleurs, par des tournées. Notamment, celle de Francis Cabrel et un album de Dick Annegarn.
 
Quelles sont les thèmes abordés par cet album ?

C'est un peu toujours la même histoire. Car, j'ai toujours écrit sur ce que je ressentais, ce que je vivais, le temps qui passe, les histoires d'amour, de séparation.

Le style et la voix de la chanson "Lunaire Blues" ne ressemblent pas à vos compositions habituelles...  

Le ton de cette chanson est en effet différent, car celle-ci évoque la perte d'Alain, mon frère aîné, à qui j'ai dédié cette chanson au tempo blues. De ce fait, ma voix est un peu plus chargée d'émotion, d'où sa forme particulière.


"Tout ça pourquoi" est un titre plus rythmé que la plupart des autres chansons de l'album…

Comme Freddy Koella, je n'aime pas trop les compositions impliquant un trop grand nombre de musiciens. Comme il est très attaché aux textes et que je lui envoie les paroles avec l'accompagnement de guitare, il trouve que l'ensemble constitue déjà une ambiance qui se suffit à elle-même. Mais, comme les mélodies sont parfois linéaires, en raison du peu d'instruments, pour qu'on ne s'ennuie pas trop, je rajoute du relief à mes compositions, avec de la batterie qui entre au 2e ou 3e couplet, jusqu'au final. Mais, la rythmique est toujours légère, avec des balais, pour que cela ne matraque pas.

Pourquoi ce titre, "Les Contes de la Piscine après la Pluie" ?

C'est également le titre d'une des chansons de l'album et elle aussi est particulière, parce qu'elle évoque la maladie d'Alzheimer de ma maman. Et « Les contes de la piscine après la pluie », c'est une manière d'oublier tout, de tout noyer, car les mots se perdent. Et, puis, cela fait référence au titre d'un film japonais adapté d'un roman, car j'aime bien la littérature asiatique. Et Freddy Koella trouvait que ce titre était dépaysant et inattendu, qu'il faisait rêver.

Pour cet album, vous avez réalisé vous-même des vidéos....

Aujourd'hui, pour faire vivre un album, le meilleur moyen, c'est par l'image. Comme j'ai fait une école d'arts appliqués, je sais dessiner, peindre et ma compagne réalise de très belles photos, nous nous sommes lancés. A l'aide d'un smartphone, on a travaillé à la maison, avec des éclairages domestiques. Cela a pris beaucoup de temps, mais le résultat en vaut la peine. Aussi je travaille sur une deuxième vidéo, encore plus basée sur le dessin. Elle illustrera un titre qui s'appelle "Avalanche" et qui n'est pas présent sur l'album. Il parle des villages, des civils, des enfants qu'on bombarde, comme cela a pu l'être à Guernica, en Espagne, pendant la seconde guerre mondiale. Mais, on en absorbe les images, elles glissent sur nous, comme une avalanche.


C'est donc un album traduisant votre blues ?

Oui, tout à fait, car le blues c'est un état d'âme, quand effectivement on se retrouve seul et qu'on regarde ce qui se passe autour de soi, quand on perd un frère, une mère, un proche. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut se tenir la tête à deux mains pour écouter mon album ! (rires)

Cela ne vous empêche pas de faire des jeux de mots pour amener les gens à réfléchir….

C'est ma manière naturelle d'écrire, donc je ne m'en rends pas compte. Mes textes sont empreints de détachement, d'ironie, tout en restant profonds, mais sans être trop sérieux et ennuyeux. Ce sont des chansons à tiroirs, dans lesquels on peut découvrir différents niveaux de compréhension. Si j'écris des chansons pas toujours très joyeuses, je vois toujours le verre à moitié plein, plutôt qu'à moitié vide. Je suis quelqu'un de très émotif et sensible et mon écriture fait ressortir cet aspect-là de ma personnalité. 


 
Propos recueillis par Herve CIRET - photos Richard Gilly @Marie-Pierre Lassailly et Freddy Koella @Thierry Vivier



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