Indien Ojibwé d'origine canadienne, l'écrivain Joseph Boyden était de passage au Festival "Etonnants Voyageurs 2014" de Saint-Malo. L'occasion de l'interroger sur ses deux derniers romans traduits en français, « Dans le grand cercle du monde » et « Le chemin des âmes ». Mais aussi, sur les westerns et l'environnement - Photos : Herve CIRET
Pourquoi vouloir porter la voix des amérindiens dans
vos romans ?
C’est important pour mon
écriture de donner une voix à ces amérindiens, car ce sont des voix qui
viennent à moi directement et qui parlent presque à ma place dans mes livres. Je
suis une voix parmi beaucoup d’autres, mais il est certain que beaucoup de
personnes lisant mes livres désormais, cela me permet de porter encore plus
fortement les messages que je souhaite transmettre.
Pensiez-vous rencontrer un public et avoir du succès
en écrivant sur les indiens ?
N’importe quel auteur est
content et surpris de découvrir que des lecteurs lisent ses livres. Au travers des
miens, je pense que je leur délivre, un message positif sur les amérindiens. Et
ce message n’est pas un message facile. Car, mes livres ne sont pas forcément accessibles.
Mais, ils parlent de la vraie vie. Et c’est probablement ce qui touche mes
lecteurs.
Vous êtes très attaché à St Malo, car les jésuites
sont partis de ce port pour aller évangéliser les amérindiens en Amérique du Nord. Un sujet abordé dans votre dernier roman...
Dans « Dans le grand cercle du monde », je parle de mes racines
amérindiennes et européennes. Car, pour moi le roman historique joue un rôle
très important. Il est comme un lien entre le passé et le présent qui nous permet
d'aborder et l'avenir. On dit souvent que l’histoire est racontée par les
vainqueurs et moi j’ai eu envie de corriger cette lacune. D’où les différents
points de vue, des indiens, des colonisateurs, des évangélisateurs, exprimés
dans ce roman. En effet, les premières nations indiennes au Canada sont
considérées, soit comme vivant au paradis jusqu’à l'arrivée des colons
européens ou alors vivant l’enfer en attendant désespérément au coin du feu qu’arrive
la civilisation. Pour moi, la réalité se situe entre les deux. Ce que je
cherche avant tout, c’est raconter une bonne histoire. Donc, je voulais décrire
cette civilisation complexe qui existait en Amérique du Nord, avant l’arrivée
du colon blanc. Les Hurons avaient développé une agriculture et créé des
réseaux d’échanges commerciaux avec d'autres nations. Donc, leur société était
très élaborée.
Dans votre précédent roman « Le chemin des âmes », pourquoi avoir abordé la 1ère
guerre mondiale ?
A
l’origine, je souhaitais situer mon roman dans le contexte de la seconde guerre
mondiale, qui était plus proche de moi. Mais, j’ai réalisé que cette guerre-là
était déjà très connue du public et j’ai préféré me rapprocher des conflits de
la 1ère guerre mondiale, parce que ceux-ci me paraissaient peu
abordés. Et quand je me suis plongé dans les recherches sur la 1ère
guerre mondiale, j’ai découvert la richesse et la complexité de ce sujet. Je
suis content d’avoir fait ce choix et d’avoir réussi à en faire un roman.
Enfant, quelle a
été votre réaction en voyant des westerns ?
Certains estiment que les
westerns sont caricaturaux, en ce sens qu’ils traitent les indiens comme une minorité sans espoir de survivre ou alors comme des sauvages sanguinaires et
alcoolisés. Et quand j’étais enfant, je comprenais que tout cela n’était que
des clichés et qu’il fallait dépasser ces idées préconçues pour comprendre la
civilisation amérindienne. Donc, le western n’a fait que caricaturer quelque
chose qui est beaucoup plus complexe.
Est-ce que vous pensez, comme John Ford dans ses
westerns, que l’immensité des paysages influe sur le caractère de vos
personnages ?
Les indiens sont des produits de leur environnement physique et de la
nature qui les entoure. Et, qui que vous soyez, l’environnement a un impact sur
votre vie. Je parle des indiens d’aujourd’hui qui vivent aussi bien dans les
villes que dans les réserves qui sont le produit de leur environnement qui lui-même
a une influence sur leur mode de vie.
Finalement, ce qui différencie les
Blancs des Indiens, c’est leur rapport à l’environnement ?
Ce serait une manière un peu simpliste de différencier ces deux
civilisations. Parce qu’il y a des indiens qui ne se préoccupent pas de
l’environnement, comme des Blancs qui s’en préoccupent. Mais, chez les indiens
d’Amérique du Nord, il y a probablement cette tradition qui fait que nous
sommes très attachés à cet environnement, car elle fait partie de notre culture.
Et c’est très important de faire en sorte que cet environnement soit en phase
avec nous-mêmes, en le traitant avec respect.
Les indiens résonnent toujours par le cercle et les Blancs par le
carré. Est-ce que cela influe, selon vous, sur la manière d’aborder le monde ?
Ce
sont effectivement deux manières différentes d’approcher le monde et de le
ressentir. Celle des occidentaux est plus linéaire, d’un point A à un point B,
etc, alors que notre culture voit les choses de manière plus circulaire, comme
si elles se répétaient inlassablement.
Propos recueillis par Herve CIRET, lors du Festival Etonnants Voyageurs 2014 de St Malo
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