jeudi 2 septembre 2021

Lance Weller, porteur de mémoire de la guerre de Sécession

 

Après son roman "Wilderness" (Prix Médicis 2013) qui abordait déjà l’une des batailles de la guerre de Sécession, l'écrivain américain Lance Weller revient dans "Le Cercueil de Job" sur un autre épisode dramatique de ce conflit. Le massacre à Fort Pillow (Tennessee), en 1864, de soldats noirs de l’Union par les troupes confédérées conduites par le général Nathan Bedford Forrest. L’occasion pour l’auteur d’évoquer les destins croisés d’une jeune esclave noire en fuite et d’un jeune soldat sudiste déserteur.
 

Pourquoi évoquer à nouveau la Guerre de Sécession ?

C’est un conflit qui m’intéresse beaucoup, parce qu’il permet, à partir d’une fiction, d’aborder les questions majeures qui agitent la société américaine. Au point de constituer l’arrière-plan de mes deux derniers romans, car c’est l’époque où les Etats-Unis se sont réellement construits.

 

Pourquoi avoir choisi d’évoquer le massacre de Fort Pillow ?

Parce que c’est une terrible tragédie totalement oubliée, dont moi-même je n’avais jamais entendu parler, ni appris à l’école, ce qui m’a beaucoup étonné et énormément bouleversé. Aussi, en écrivant ce roman, j’ai voulu la sortir de son oubli, afin que le public américain la découvre.

 

Votre écriture est très imprégnée de l'atmosphère des combats. Est-elle basée sur des témoignages écrits ?

Oui, c’est grâce aux lettres des soldats que j’ai pris connaissance de leur niveau d’éducation, du langage qu’ils utilisaient, de ce qu’il ressentaient. Même constat pour les esclaves noirs en fuite, dont les témoignages ont constitué un point crucial de mes recherches. J’ai aussi consulté beaucoup de photos privées, et donc spontanées, de soldats, qui m’ont beaucoup inspiré pour l’ambiance de mon roman.

 

Vous êtes-vous beaucoup documenté sur les armes de l'époque ?

Je me suis particulièrement intéressé à la manière des soldats de manier physiquement un canon, de l’approvisionner en munitions et de tirer. Mon roman relate l’une de ces scènes de tir au canon. C’est quelque chose qui m’a vraiment fasciné. 


Vous évoquer un massacre peu à l’avantage des Sudistes...

J’ai une grande sympathie pour les soldats confédérés. Pour la plupart, ils combattaient pour l’idée qu’ils se faisaient de la fierté. Mais, le portrait que je fais dans mon roman du général sudiste Nathan Bedford Forrest, à l’origine de ce massacre, provoque encore aujourd’hui une levée de boucliers dans les Etats du Sud, où il est toujours considéré comme un héros. Car, les blessures de la guerre de Sécession y sont encore très vives.

 

Comment expliquez-vous le désintérêt des Américains pour cette guerre ?

Si les Américains ont en mémoire les symboles de ce conflit, comme la bannière étoilée et le drapeau confédéré, ils ne s’en rappellent jamais les causes. A l’école, cette période-clé de notre histoire est survolée, sans en analyser la complexité. Or, à la fin de la guerre de Sécession, après avoir combattu noblement, notre pays allait dans la bonne direction, en réunissant ses forces pour construire un monde radieux. Un jour, j’espère que nous dépasserons les symboles pour retrouver cet idéal.

Propos et photo recueillis par Herve CIRET avec une traduction de Clotilde Le Yaouanc, Gallmeister)

"Le Cercueil de Job" de Lance Weller (Gallmeister)

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