L'édition
2019 du festival de la bande dessinée d'Angoulême a été l'occasion de découvrir de nouveaux albums western concoctés par de jeunes auteurs, mais aussi par des "routiers" du genre. A l'instar du dessinateur Hermann (photo @H. Ciret) qui nous livre "Je suis une ombre" (Le Lombard), le troisième tome de la série "Duke", scénarisée par son fils Yves H.
On y retrouve le shérif adjoint, chargé d'escorter
une diligence transportant 100 000 dollars. Mais, l'attaque du convoi par son propre frère va changer la
nature de la mission de Duke. Coûte que coûte, il doit retrouver ce dernier, avant qu'il ne
soit abattu par les
tueurs lancés à ses trousses. Hermann nous dévoile ce 3e opus.
Une fois de plus, dans cet album, vous abordez le droit de tuer ?
Oui, car si l'on retrouve Duke - dont le frère fait
partie d'une bande ayant volé une somme d'argent qu'il était censé
surveiller - ce n'est pas l'idée
majeure du récit. Comme dans les deux précédents albums, c'est le droit
de tuer qui est au centre du récit. Car, à un moment donné, Duke fréquente une sorte de
justicier autoproclamé qui étrangle les gens. Encore une
fois, je pose la question : a-t-on le droit ou des raisons de tuer ? Cela ne fait pas partie de ma philosophie de vie, mais
c'est du western et je ne vais pas me mettre tout à coup à
larmoyer à propos de ceci ou cela. Ce qui grouille sur terre, c'est
une jungle doublée d'un marécage. Je me dis, c'est comme cela, hélas.
Vous mettez en scène un tueur
admiratif de Duke ?
Ce personnage est effectivement très inquiétant, parce qu'il se
présente comme un émule de Duke, en disant j'ai fait aussi bien
que vous et cela met Duke très mal à l'aise. Car, là, il est tombé sur un malade. Or, ce
personnage de tueur en série a réellement existé. Mon fils m'a refilé des photos d'un personnage remontant aux années1950, son visage est vraiment celui que j'ai
dessiné dans l'album.
Le contraste est saisissant entre les teintes pastel de votre trait et la violence qu'il exprime...
Il
m'est difficile de ne pas introduire de la violence dans mes dessins,
car, profondément en moi, il y a une certaine violence. Donc, je ne
peux pas bien raconter une histoire sans y mettre cette violence. J'y
mets une intensité qui, au début, n'était pas intellectuellement
voulue. Elle s'est présentée à moi très naturellement, sans y
réfléchir. Et sans cette force, j'ai l'impression que mon dessin
est mou. Car, j'ai peur, lorsque je dessine, de ne pas y mettre tout
ce que je ne suis pas encore parvenu à exprimer.
Dans ce troisième tome, on
constate que l'Ouest est toujours autant peuplé de personnages peu recommandables...
C'en était rempli, car ceux qui venaient dans l'Ouest, c'était souvent la lie de la société, des aventuriers, des crapules, des repris de justice. C'est peut-être
cela qui fait que l'Amérique était facilement violente et
qu'elle le reste aujourd'hui, avec cet amour pour les armes à feu et
cette facilité de les sortir de leur étui et de tuer.
Est-il indispensable de lire les
tomes de Duke les uns à la suite des
autres ?
Oui, car c'est comme un train dans lequel on passe d'un wagon à l'autre , tout en revenant en arrière pour mieux les explorer. Car, c'est
un train très long, avec, à chaque fois, une charnière entre des
floppées de deux-trois wagons, avant de passer aux suivants. Mon
fils me propose un scénario et je croque dedans. On échange quelques
mots, mais je ne juge pas son récit, je fais le boulot qui m'est demandé.
L'édition 2019 du festival d'Angoulême proposait de nombreuses BD western. Mais, selon vous, peut-on encore renouveler le genre ?
Oui, les jeunes auteurs essaient de trouver quelque chose de
personnel, sans trahir la vie de cette époque-là. Car, il ne s'agit
pas d'introduire des zombies dans ce chouette d'univers, même si, en même temps, il constitue un piège.
Car, c'est difficile d'éliminer tous les passages resassés dans les films et les bandes dessinées. Il faut trouver
une sauce différente et originale, car le plat est toujours le
même. C'est ce que j'essaie de faire dans la série "Duke", même si mon graphisme n'est pas
différent. Mais, j'essaie qu'il soit meilleur qu'avant, en allant à l'essentiel, tout en évitant
l'appauvrissement. Car, il faut quand même procurer au lecteur certaines sensations, de la nature, de la chaleur, car cela pour moi est essentiel.
Votre dessin apporte aussi du rythme à l'action, comme dans un film ?
Mon métier, tel que je le conçois dans mon genre de
bande dessinée non intellectualisante,
c'est de faire du cinéma graphique, en y
traduisant l'action, le son étant difficile à exprimer, sauf à trouver des stratagèmes. Car, c'est au
dessinateur à trouver une astuce pour donner l'illusion que ça bouge
quand même. Autrefois, il y avait des bandes dessinés, s'il n'y
avait pas de petits traits pour indiquer que le personnage bougeait,
on avait l'impression que le personnage était figé et cela
m'a toujours déplu. Or, des dessinateurs tels Jean
Girod, François Boucq et d'autres, arrivent à faire bouger leurs
personnages, sans avoir recours à ce stratagème.
Propos et photo recueillis par Herve CIRET, lors de l'édition 2019 du Festival de la bande dessinée d'Angoulême
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire