lundi 29 avril 2019

L'Ouest, le vrai : quand un héros pacifique est confronté aux armes à feu


" L'Ouest véritable existe-t-il vraiment ou n'est-ce pas plutôt celui que nous a vendu Hollywood ? " questionne le scénariste Frédérick Maffre, dans le troisième tome de la série western "Stern" (Dargaud), dessinée par son frère Julien. Après avoir proposé un premier album sombre et un second plus échevelé, le duo plonge le croque-mort Elijah Stern, dans un déluge de fusillades plutôt inhabituel pour le héros, réputé pacifique et amateur de livres


Pourquoi ce titre "L'Ouest, le vrai" ?

Il vient d'une réplique de l'un des personnages qui se vante de vivre dans l'Ouest véritable. Mais, ce titre n'est pas dénué d'ironie, parce que L'Ouest, le vrai, est-ce que cela existe vraiment ? N'est-ce pas plutôt celui que nous a vendu Hollywood ? Et ce qui rend cet univers intéressant, c'est justement qu'il relève autant de l'Histoire, que de la légende, du mythe que de la chanson de geste. Car, à part des témoignages historiques, peut-on montrer le Far-West véritable ?
 

Ce titre est donc un clin d'oeil ?

Le récit de cet album, c'est celui de l'Ouest bâti par les pionniers et les fermiers, donc des gens ordinaires, et non celui de Jessie James ou de Buffalo Bill, des légendes dont on a retenu le nom, mais qui ne constituent qu'une poignée d'individus très particuliers. 

En quoi ce troisième tome est différent des deux premiers ?

"Stern" est une série dont chaque tome est indépendant et traité dans un style différent. Le premier portait sur une enquête relativement posée, le second faisait contrepoids avec quelque chose de plus léger et très échevelé. Pour ce troisième tome, mon frère et moi avons décidé - puisqu'il s'agit d'une série western - de faire un album reprenant tous les codes du genre et dans lequel ça tire dans tous les sens. C'est-à-dire avec un vrai pistolero, également aventurier et séducteur, qui vient bouleverser l'univers tranquille du héros, Elijah Stern.


Vous transgressez la règle que vous vous étiez imposée : "Pas de cheval, pas de chapeau, pas d'arme" ?

C'est l'une des difficultés de cet album 100 % western, où ça tire dans tous les sens, sauf que le héros n'est toujours pas le flingueur. Cela a été compliqué de mettre en place, car c'est un récit d'action où le héros refuse l'action, mais  nous avons trouvé le moyen de l'y impliquer. Notamment, en faisant du pistolero, son rival, un écrivain narrant sa propre légende, tout en étant confronté à sa propre réputation.

Pour la première fois, votre héros est confronté à la violence du Far-West ?

Oui, mais pas comme il faudrait. C'est-à-dire que les armes s'enrayent, tirent à côté, les balles ricochent. C'est un angle qu'on a trouvé pour se distinguer de l'offre western classique et générer une histoire originale.



Vous avez voulu faire écho à la problématique actuelle des armes aux Etats-Unis ? 

Qu'on le veuille ou non, les Etats-Unis se sont construits autour des armes à feu, c'est un pilier culturel extrêmement ambivalent et problématique. Les armes telles qu'on les montre dans l'album provoquent des dommages collatéraux, des conséquences tragiques. C'est quelque chose qu'on voulait explorer et pas seulement montrer des fusillades spectaculaires. Même si, en tant que spectateur, une bonne scène d'action qui tire dans tous les sens, cela peut-être plaisant. 


Même vos personnages les plus antipathiques parviennent à être attachants... 

Pour composer mon récit, je pars toujours des personnages. Ceux que je créé ne sont pas toujours sympathiques, mais je fais en sorte de leur donner une chance en laisser exprimer leur point de vue. Même le pire des salauds a des raisons de faire ce qu'il fait. Donc, j'espère que le lecteur aura de l'empathie pour le pistolero Colorado Cobb, le rival de Stern dans cet album, et prendra plaisir à le voir évoluer.


Quelle place accordez-vous aux personnages féminins dans ce troisième tome ? 

Il y a plusieurs personnages féminins assez travaillés. Notamment, Mademoiselle Ward qui, dans le premier tome, avait un rôle très secondaire et est ici beaucoup plus mise en avant. En tant qu'auteur, je cherche à avoir des personnages féminins aussi développés que possible. D'ailleurs le tome 4 de la série Stern, actuellement en écriture, sera axé autour d'un personnage féminin plutôt bien trempé.


Comment est né votre intérêt pour le western ? 

Je suis très cinéphile et je pense que je vois plus de westerns que la moyenne des gens. Mais, je n'ai jamais eu de rapport intime avec le western, comme ont pu l'avoir les générations ayant grandi avec John Wayne. Mon intérêt pour le western vient de mes vacances enfant du côté de Perpignan, où certains paysages arides, associés à la chaleur, au ciel dégagé, au sable et à la poussière, me faisaient penser aux westerns spaghettis. D'ailleurs, mon premier western au cinéma, quand j'avais 13-14 ans, c'était "Le Bon, la Brute et le Truand".

Propos recueillis par Herve CIRET lors du festival de la BD d'Angoulême 2019


Feuilletez quelques planches de l'album Stern - tome 3 : L'Ouest le vrai (Dargaud)

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