" L'Ouest véritable existe-t-il vraiment ou n'est-ce pas plutôt celui
que nous a vendu Hollywood ? " questionne le scénariste Frédérick Maffre, dans le troisième tome de la série western "Stern" (Dargaud), dessinée par son frère Julien. Après
avoir proposé un premier album sombre et un second plus échevelé,
le duo plonge le croque-mort Elijah Stern, dans un déluge de fusillades plutôt inhabituel pour le héros, réputé pacifique et
amateur de livres.
Pourquoi
ce titre "L'Ouest,
le vrai" ?
Il vient d'une réplique de l'un des personnages qui se vante de
vivre dans l'Ouest véritable. Mais, ce titre n'est pas dénué
d'ironie, parce que L'Ouest,
le vrai, est-ce que
cela existe vraiment ? N'est-ce pas plutôt celui que nous a
vendu Hollywood ? Et ce qui rend cet univers intéressant,
c'est justement qu'il relève autant de l'Histoire, que de la
légende, du mythe que de la chanson de geste. Car, à part des
témoignages historiques, peut-on montrer le Far-West véritable ?
Ce titre est donc un clin d'oeil ?
Le récit de cet album,
c'est celui de l'Ouest bâti par les pionniers et les fermiers, donc
des gens ordinaires, et non celui de Jessie James ou de Buffalo Bill,
des légendes dont on a retenu le nom, mais qui ne constituent qu'une
poignée d'individus très particuliers.
En quoi ce troisième tome est différent des deux
premiers ?
"Stern" est une série dont chaque tome est indépendant et traité dans un style différent. Le
premier portait sur une enquête relativement posée, le second
faisait contrepoids avec quelque chose de plus léger et très
échevelé. Pour ce troisième tome, mon frère et moi avons décidé -
puisqu'il s'agit d'une série western - de faire un album reprenant
tous les codes du genre et dans lequel ça tire dans tous les sens.
C'est-à-dire avec un vrai pistolero, également aventurier et séducteur,
qui
vient bouleverser l'univers tranquille du héros, Elijah Stern.
Vous
transgressez la règle que vous vous étiez imposée :
"Pas de
cheval,
pas de chapeau, pas d'arme" ?
C'est
l'une des difficultés de cet album 100 % western, où ça tire dans
tous les sens, sauf que le héros n'est toujours pas le flingueur.
Cela a été compliqué de mettre en place, car c'est un récit
d'action où le héros refuse l'action, mais nous avons trouvé le moyen de
l'y impliquer. Notamment, en faisant du pistolero, son rival, un
écrivain narrant sa propre légende, tout en étant confronté à sa propre réputation.
Pour la première fois, votre héros est confronté à la violence du
Far-West ?
Oui,
mais pas comme il faudrait. C'est-à-dire que les
armes s'enrayent, tirent à côté, les balles ricochent. C'est un
angle qu'on a trouvé pour se distinguer de l'offre western classique
et générer une histoire originale.
Vous avez voulu
faire écho à la problématique actuelle des armes aux
Etats-Unis ?
Qu'on le
veuille ou non, les Etats-Unis se sont construits autour des armes à
feu, c'est un pilier culturel extrêmement ambivalent et
problématique. Les armes telles qu'on les montre dans l'album
provoquent des dommages collatéraux, des conséquences tragiques.
C'est quelque chose qu'on voulait explorer et pas seulement montrer des
fusillades spectaculaires. Même si, en tant
que spectateur, une bonne scène d'action qui tire dans tous les
sens, cela peut-être plaisant.
Même vos personnages les plus antipathiques parviennent à être attachants...
Pour composer mon récit, je pars toujours des personnages. Ceux que je créé ne sont pas toujours sympathiques, mais je
fais en sorte de leur donner une chance en laisser exprimer leur point de vue. Même le pire des salauds a des raisons
de faire ce qu'il fait. Donc, j'espère que le lecteur aura de
l'empathie pour le pistolero Colorado Cobb, le rival de Stern dans cet album,
et prendra plaisir à le voir évoluer.
Quelle place accordez-vous aux personnages féminins
dans ce troisième tome ?
Il
y a plusieurs personnages féminins assez travaillés.
Notamment, Mademoiselle Ward qui, dans le premier
tome, avait un rôle très secondaire et est ici beaucoup plus
mise en avant. En tant
qu'auteur, je cherche à avoir des personnages féminins aussi
développés que possible. D'ailleurs le tome 4 de la série Stern, actuellement en
écriture, sera axé autour d'un personnage féminin plutôt bien
trempé.
Comment est né votre intérêt pour le western ?
Je suis très
cinéphile et je pense que je vois plus de westerns que la moyenne des gens.
Mais, je n'ai jamais eu de rapport
intime avec le western, comme ont pu l'avoir les générations ayant grandi avec
John Wayne. Mon intérêt pour le western vient de mes vacances enfant du côté de Perpignan, où certains
paysages arides, associés à la chaleur, au ciel dégagé, au sable
et à la poussière, me faisaient penser aux westerns spaghettis. D'ailleurs, mon premier western au cinéma, quand j'avais
13-14 ans, c'était "Le
Bon, la Brute et le Truand".
Propos recueillis par Herve CIRET lors du festival de la BD d'Angoulême 2019
Feuilletez quelques planches de l'album Stern - tome 3 : L'Ouest le vrai (Dargaud)
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