L'anti-western connaît un certain succès en BD. Après
"L'Homme qui n'aimait pas les armes à feu" (Lupano-Salomone),
voici l'homme qui préfère la lecture au maniement du Colt. Dans le premier tome de cette série western, le jeune Elijah Stern, croque-mort dans le Kansas, plongeait dans son passé, en découvrant l'origine criminelle de la mort d'une prostituée de saloon. Dans le second tome, le fossoyeur se fait détrousser, alors qu'il vient d'acheter des livres, sa passion, et se lance à la recherche de ses agresseurs. Rencontre avec Frédéric Maffre, le scénariste de cette série western, lors du salon du Livre de Paris 2017.
Son ambition de départ était de devenir le nouveau Steven Spielberg. Mais, comme il le reconnaît lui-même, cela s'est avéré plus compliqué que prévu. Son frère Julien, qui travaillait dans la bande dessinée, lui a demandé s'il avait un scénario à lui proposer. Frédéric Maffre a ressorti de ses tiroirs, un ancien scénario devenu le tome 1 de la série "Stern".
Vous ne vivez pas encore de votre bande dessinée ?
Je
travaille la nuit dans un hôtel, ce qui me procure une ambiance très
calme et me permet de combiner mes deux activités. Mon ambition dans
la vie, c'est qu'on me fiche la paix. Et donc, si j'écris sur un
croque-mort qui reste sans son coin à lire des livres, cela n'est
pas le fait du hasard. Je suis un intellectuel qui aime lire, voir
des films. J'ai donc puisé dans cette expérience pour créer
le personnage de Stern. Je ne sais pas à quel point je lui
ressemble, mais rassurez-vous, je suis plus joyeux que lui.
Ma première idée
était de mettre en scène un groupe d'aventuriers, archétypes des
seconds rôle du Far-West : le croque-mort, le mexicain
somnolent, le barman, etc. Il s'est avéré que l'archétype le plus fort, c'était le croque-mort, avec
cette image de personnage solitaire, sinistre et cynique. J'ai
creusé la dynamique de ce personnage et ensuite, cela s'est enchaîné
tout naturellement.
Xavier Dorison, avec
la série western « Undertaker », a
eu la même idée que vous….
Effectivement,
c'est arrivé au même moment, car les idées sont toujours dans l'air. Le western étant un genre ayant un certain passif
et puisqu'on ne peut plus faire du John Wayne, on est obligé de
chercher des idées plus décalées. Le croque-mort était un
archétype un peu oblique, mais qui possède quand même une certaine
puissance. Quand on travaillait sur "Stern", mon frère et moi, nous nous
disions : c'est quand même fou que personne n'y ait pensé à
le faire ! Et puis, « Undertaker » a été publié.
Mais, c'est une approche frontale du western qui s'assume en tant que telle. Alors que
nous, c'est du western un peu décalé. Les deux ont trouvé leur
public. Dans chacune des deux séries, les lecteurs ont compris ce
que nous souhaitions faire, donc nous sommes contents.
Quand
vous étiez enfant, le western vous fascinait-il ?
Non,
pas spécialement, même si, comme tout le monde, j'ai vu des films
westerns. Je ne fais pas forcément partie d'une génération qui a
grandi avec ce genre cinématographique. Moi, je que j'aime dans le
western, c'est que c'est un genre très codifié, il y a des règles
et donc on peut donc jouer avec. C'est une approche qui m'intéresse
et me stimule. Concernant le personnage, Julien et moi, on s'est
imposé trois règles, afin d'impulser une autre dynamique dans le
récit : pas de cheval, pas de chapeau, pas d'arme. Pour quelles
raisons ? Pour le défi que cela représente et aussi pour nous
obliger à trouver d'autres solutions de scénario.
Comme
on ne voulait pas en faire un pistolero, on a essayé d'aller
jusqu'au bout du raisonnement, Stern est devenu un intellectuel qui aime
beaucoup lire. Comme il a besoin de renouveler sa bibliothèque, il
se rend à la grande ville, Kansas City, pour y acheter des livres.
Mais, rien ne se passe comme prévu. Il vit une nuit très longue et
très pénible. Notre référence, c'était le film "After
Hours" (1985) de Martin Scorsese qui n'est pas du tout un
western. Car, j'aime injecter d'autres influences et les mélanger
pour voir ce que cela donne. Car, ce second tome est plus léger dans
le ton que le premier, qui était une enquête assez noire. Le
troisième aura une approche encore différente. Si nous souhaitons
rester cohérents avec le personnage, on veut changer de style à
chaque fois. Nous voulons nous surprendre nous-mêmes et en même
temps surprendre le lecteur.
Propos et photos recueillis par Herve CIRET, lors du salon du Livre de Paris 2017
Feuilletez quelques planches du tome 2 de "Stern, La Cité des Sauvages" de Julien et Frédéric Maffre (Dargaud)
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