Le dessinateur périgourdin Thierry Murat a récemment publié le roman graphique "Etunvan, celui qui regarde" (Futuropolis), qui évoque les rencontres entre un photographe et des Indiens, en 1867. Nous avons rencontré l'auteur, à
l'occasion de l'édition 2016 du festival America.
La vie du
photographe des Indiens, Edward Curtis, vous a-t-elle inspiré cet album ?
Même si, à la fin
du livre, je fais effectivement un clin d'oeil à Edward Curtis, le personnage de mon roman graphique n'a pas grand-chose à voir avec ce photographe renommé
américain. Si ce n'est que, comme lui, il fait des photographies
d'Indiens. Parce que 50 ans avant Curtis, des centaines de Blancs ont fait ce genre de clichés. Or, ces gens-là ont
été oubliés, car les clichés qu'ils ont laissé et qui ne sont pas signés, sont loin d'être à la hauteur du travail de Curtis. Donc,
je me suis dit, à partir de cette histoire, je vais inventer la vie de l'un de
ces photographes de l'Ouest américain.
Pourquoi avoir
choisi comme sujet les Indiens et la photographie ?
C'est
mon premier roman graphique, en tant que scénariste, et mon premier livre sur
l'Ouest américain. Car, ma passion des Indiens vient de mon enfance.
Dans la cour de récréation, j'étais plutôt Indien que
cow-boy, car mon esprit rebelle de l'époque m'attirait plus vers la
défense des opprimés. L'envie d'en faire un roman graphique a mûri
longtemps, car j'ai attendu d'avoir dessiné trois albums chez
Futuropolis, avant de me lancer dans cette aventure.
Les couleurs
ocres d'Etunvan font penser aux plaques de verre des
photographes du 19e
siècle…
Dans mes précédents albums, j'ai
toujours été dans des registres granuleux, basés sur des noirs usés, des
contrastes noir et blanc, avec des dominantes ocres et sépias. Pourtant, cela n'a rien à voir avec la photo ancienne. Mais, "Etunvan"
me sert à justifier les raisons pour lesquelles je dessine
de cette manière et pourquoi j'ai ces parti-pris esthétiques, grâce à
un récit sur la photo ancienne. Et comme dans mon dessin, je me sers
pas mal de photographies en documentation, tout en restant sur du
vrai dessin tout de même, cela me permet d'asseoir ce que je pense
du lien étroit entre la photographie et le dessin, sans dire que
c'est identique, mais que cela peut être complémentaire, car je
n'avais encore jamais abordé le sujet.
Comment se passent les rencontres de votre héros photographe avec les
Indiens ?
Mon personnage rencontre des
indiens très différents, ce qui explique que chacune de ses rencontres s'avère différente.
La première se déroule sur le mode de la poésie, avec un Indien
adolescent dans la forêt. Avec son collègue ethnologue, le
photographe essaie de faire en sorte qu'il ne s'enfuit pas, afin de le prendre en photo. La deuxième rencontre a lieu avec un indien adulte, sur le mode de l'humour et de la franche
rigolade. Il s'agit d'un Heyoka, un Indien qui fait tout à l'envers. Une sorte
de clown sacré. La
troisième et dernière rencontre se déroule sur le mode de la
sexualité, avec une femme Indienne, à la limite chamanique. Et lors de ces trois rencontres, je n'évoque à aucun moment la crainte des
indiens par rapport à la photographie. Car, contrairement à ce que l'on croit souvent, celle-ci n'était pas systématique.
"Etunvan, celui qui regarde" - Thierry Murat Propos et photos recueillis par Herve CIRET
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