Avec "L'homme
qui n'aimait pas les armes à feu", le scénariste Wilfrid Lupano a fait une première incursion réussie dans la bande dessinée western. Le 4e et dernier tome de la série paraîtra en 2017. Nous avons rencontré l'auteur, lors du festival Etonnants Voyageurs 2016 de Saint-Malo.
Le western, c'est un univers que vous connaissiez avant d'imaginer l'histoire de cette série ?
Comme beaucoup de gamins, enfant j'ai baigné dans le western. Lors de mes études en faculté d'anglais, je me suis intéressé à l'histoire et à la littérature des pays anglophones et me suis nourri de culture américaine, ce qui m'a replongé dans le western. Ensuite, mes goûts personnels m'ont amené vers l'étude des peuples amérindiens, ce qui m'a fait m'intéresser à l'époque de la conquête de l'Ouest. "L'Homme qui n'aimait pas les armes à feu" est donc le résultat de mes connaissances sur cette époque.
Comment vous est venue l'idée de cette BD ?
Un auteur m'a sollicité pour l'écriture d'un scénario western. Comme dans les histoires que je raconte, on
ne règle pas ses
comptes à coups de flingue et que je n'aime pas
les armes à feu, je me suis demandé pourquoi il
faisait appel à moi. Finalement, j'ai estimé que c'était un excellent point de
départ pour raconter un western qui permettrait de
faire réfléchir le lecteur sur les concepts qui
sous-tendent le western : le justicier, l'homme
providentiel, bref l'ancêtre du super-héros. C'était aussi l'occasion d'évoquer l'avènement du deuxième
amendement de la constitution américaine, qui
légitime le port et l'utilisation des armes à feu, dans une société
qui s'est dotée d'un arsenal de lois. Or, si l'on édicte des lois,
c'est justement pour ne pas avoir à régler ces problèmes par la
violence. C'est le point de départ de mon histoire.
Au-delà du propos, on voit que vous avez effectué des recherches très documentées….
Même si mon scénario semble comique et farfelu, c'est avant tout une série historique et je tenais à respecter mon sujet. En revanche, j'ai inversé le mythe du Go West ! de la conquête de l'Ouest, en faisant effectuer à mon héros, un Go East ! de Los Angeles à Washington, sur la côte Est des Etats-Unis. Sur ce trajet à rebrousse-poil, on revit toutes les grandes étapes qui forgent les grandes étapes de la mythologie américaine : les relations avec les Indiens, la conquête par le rail, l'esclavage, etc. Donc, on repasse en accéléré et à l'envers, tous les grands éléments constitutifs de la culture américaine.
La
série marche bien, pas seulement auprès des amateurs de westerns, car elle n'est pas incompatible avec l'univers du western. On peut
aimer un genre tout en réfléchissant sur
les valeurs qu'il véhicule et sur ce qui en fait son essence.
D'autant que le western est un genre qui n'a
cessé d'évoluer. Je pense, notamment, à un amoureux du western
comme Clint Eastwood. Il a réalisé
"Impitoyable", un film... justement impitoyable, à
l'égard du genre. Ce qui n'a pas empêché Eastwood de réaliser plusieurs westerns, tout en
contribuant au succès du genre. Je m'inscris dans
cette logique que j'estime salutaire.
Qu'évoquera le dernier tome de cette série ?
Intitulé "La loi du plus fort", il évoquera la fin du périple d'Ouest en Est du héros, en 1901, à Washington,
où se déroule la quasi-totalité de ce dernier album, à un
moment-clé de l'histoire des Etats-Unis. C'est l'époque où le
gouvernement américain fait venir dans la capitale, tous les grands
chefs indiens, afin de renégocier avec eux les termes de traités, souvent signés à la va-vite, lors des guerres indiennes. Au lieu de faire usage de la
force, le gouvernement veut les renégocier, avec l'aide d'avocats, afin récupérer des dizaines de millions d'hectares et détrousser à
nouveau les tribus indiennes. Une situation qui va nous amener
à un autre moment-clé de l'histoire américaine : les débuts de la
finance à haute fréquence, en 1901, grâce au "Stock
Ticker". Une machine, inspirée du télégraphe, qui permettait de jouer en bourse, en temps réel. Lors de grands événements, ce sont les bandes de papier issues de ces
machines, que l'on jetait du haut des fenêtres, tels des serpentins.
Pour les banquiers, cela
symbolisait leur foi en l'avenir de la personne ainsi célébrée, car ils se disaient : "Grâce à lui, on va faire de l'argent".
Propos et photos recueillis par Herve CIRET, lors du festival Etonnants Voyageurs 2016 de Saint-Malo
« L'Homme
qui n'aimait pas les armes à feu » (Delcourt) de Wilfrid Lupano (scénario) et Paul Salomone (dessin) - 3 tomes parus : "Chili con carnage" - "Sur la piste de Madison" - "Le mystère de la femme araignée" - "Colt bless America", dernier tome à paraître en 2017.
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