C'était
un cavalier confirmé et un amoureux des grands espaces. Il n'était pas
américain, mais portugais. Cependant, c'est pour son oeuvre picturale,
exposée dès 1913 aux Etats-Unis, qu'il est aujourd'hui sorti de
l'injuste oubli, dans lequel il a été longtemps confiné.
Amadeo
de Souza-Cardoso, fils d’un riche producteur de vin, né à la fin du 19e
siècle, près de Porto, dans le nord du Portugal est décédé, à l'âge de
30 ans, peu de temps avant la fin de la guerre 1914-1918, fauché, non
par un obus, mais par la grippe espagnole.
Jusqu'au
18 juillet 2016, le musée du Grand Palais, à Paris, propose une
rétrospective de 300 de ses œuvres, dont certaines sont directement
inspirées par l'univers du cheval, son autre passion.
Amadeo de Souza-Cardoso débute sa carrière, en dessinant des caricatures dans les journaux
portugais, avant de s'installer dans le quartier
Montparnasse, à Paris. C'est là qu'il côtoie les futurs grands maîtres de la peinture française.
De
1913 à 1914, l'artiste portugais se consacre à promotion de ses
œuvres. Il débute par une tournée américaine en exposant à l’"Armory show", l'exposition internationale d'art moderne, à New York, à l’Art Institut à Chicago, et au
Copley Hall à Boston. A New York, entre le 17 février
et le 15 mars 1913, c'est dans une caserne, à l’angle de
Lexington avenue et de la 25e rue, que 300.000 visiteurs parcourent les allées
de l’exposition – qui va s’avérer comme l'un des plus
retentissants scandales de l’histoire de l’art. Amadeo de
Souza-Cardoso y expose huit œuvres qui y font sensation, car toutes
vendues, à l'exception d'une seule.
L’idée d’une exposition d’art moderne était née d’une collaboration entre la riche américaine Gertrude Vanderbilt-Whitney, le galeriste-photographe Alfred Stieglitz, le marchand français de tableaux Ambroise Vollard et les peintres Claude Monet, Odilon Redon et Auguste Renoir, entre autres.
Mais, sur les 1 600 œuvres exposées, seul un tiers est d'origine européenne. Inconnue aux Etats-Unis, l'avant-garde européenne, jugée trop révolutionnaire, déclenche la fureur des visiteurs et des critiques. "J’avais l’idée totalement démodée que les portraits devaient représenter leur modèle, les marines la mer et les paysages la nature", écrit ironiquement le critique d’art américain, Julian Street, dans la revue "Evervbody’s Magazine".
A Boston et Chicago, des étudiants en art
brûlent des copies d’oeuvres
du sculpteur Brancusi et du peintre Matisse pour manifester leur rejet de cette
nouvelle tendance artistique. A tel point que dans l’histoire de l’art
aux Etats-Unis, il y aura un avant
et un après Armory show. Pour
Amadeo de Souza-Cardoso, qui expose juste à côté des cubistes, c’est
l'occasion de faire connaître sa peinture, fut-ce par le biais du
scandale. Ses guitares décomposées et les titres cocasses de ses toiles
(Bon
ménage, Fraise
avant-garde,
Guitare
en train d’accoucher,Trou
de serrure) suscitant l'incrédulité des visiteurs.
"Si
la guerre n'avait pas éclaté", constate à regret l'artiste portugais, j'aurais pu, grâce à la précieuse
aide matérielle d'un Américain, réaliser un de mes rêves :
faire une exposition de mes tableaux, à bord d'un grand
transatlantique, à l'aller et au retour. Comme cela aurait été
beau ! Comme cela aurait épousé ma passion pour le mouvement,
pour la vitesse, pour la fièvre de la vie moderne !" Maigre consolation post-mortem pour Amadeo de Souza-Cardoso, plusieurs de ses chefs-d’œuvre
sont aujourd’hui conservés aux Etats-Unis, en particulier à l’Art
Institute de Chicago.
Malgré cette renommée outre-Atlantique,
Amadeo de Souza-Cardoso n’est devenu réellement célèbre dans son pays,
le Portugal, qu'à partir des années 1950, sa veuve ayant échoué à placer son œuvre dans un
musée prestigieux. La rétrospective proposée jusqu'au 18 juillet, par le musée du Grand Palais à Paris n'en est donc que plus incontournable.
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