samedi 6 juin 2015

Kim Zupan, l'arpenteur des sentiments


Kim Zupan - Photo H.CIRET
A 61 ans - après avoir exercé de nombreux métiers (fondeur, professionnel de rodéo, pêcheur de saumon en Alaska, réparateur d'avions, charpentier) - l'écrivain américain Kim Zupan nous propose son premier roman publié en France, Les Arpenteurs (éditions Gallmeister). 

Un livre captivant qui raconte la relation qui s'établit peu à peu entre un shérif du Montana et son prisonnier, un serial-killer. Nous l'avons rencontré lors du festival Etonnants Voyageurs de Saint-Malo 2015.



La littérature est-elle chez vous une passion ancienne ?

Très jeune, je lisais beaucoup et, très rapidement, j'ai eu envie de raconter mes propres histoires. J'ai été très influencé par des auteurs comme Ernest Hemingway, Edgar Allan Poe, William Faulkner, etc... Et j'estimais qu'il y avait des histoires qu'il était important de raconter.

Pourquoi avez-vous exercé des métiers très différents avant d'écrire ?

Kim Zupan en rodéo -@ K. Zupan
C'est souvent une nécessité pour la plupart des écrivains de travailler dans des secteurs d'activité aussi différents, comme je l'ai fait, dans le rodéo, la pêche au saumon ou l'aéronautique, afin de subvenir aux besoins de sa famille. Et cela a contribué à enrichir les histoires que je raconte. Je travaille 9 mois par an et j'écris durant 3 mois. Si vous voulez, je suis un écrivain-charpentier-fondeur, etc. Ce qui me permet de conserver un certain équilibre mental et c'est ce qui explique que je n'ai pas envisagé le métier d'écrivain pour en faire carrière (rire) !

Comment vous est venue l'idée de votre roman "Les Arpenteurs" ?

Étrangement, elle est basée sur deux personnages bien réels. L'un de mes meilleurs amis de Great Falls dans le Montana, en retraite du service fédéral de lutte contre les trafics de drogue, d'alcool et d'armes à feux, a connu un tueur recherché dans l'Ouest, durant les années 1960/70, qu'il a arrêté au début des années 1980. Et à force de m'en parler, petit à petit l'idée d'en faire un roman m'est venue.

Pourquoi avoir choisi de relater un drame psychologique à huis-clos, plutôt que de raconter une superbe aventure dans les magnifiques paysages du Montana ?

A l'origine, je ne pensais pas vraiment écrire un drame psychologique. Pourtant cela en est un effectivement ! (rire). J'ai hésité à ce que mon livre soit catalogué de roman policier, de thriller psychologique à suspense. C'est seulement une histoire basée sur ces deux personnages qui m'ont forcé à écrire ce roman. Comme je vis au Montana, dans des paysages sauvages à couper le souffle, mais qui peuvent également s'avérer dangereux - en ce sens que quelqu'un peut y commettre un crime - j'ai voulu aussi en décrire les aspects sombres et menaçants qui témoignent de la relation qui se construit entre le shérif et son détenu.


Le réalisateur John Ford disait que la psychologie des personnages de ses westerns étaient influencée par l'immensité des paysages dans lesquels il les situait. Vous le pensez aussi ?

C'est tout à fait vrai. C'est ce qu'on ressent dans mon livre, car j'ai l'habitude de dire que le paysage est un personnage à lui tout seul, car il peut influencer le cours des événements. Dans certains romans, le paysage est comme un rideau en arrière-plan devant lequel les personnages se déplacent. Dans d'autres livres, comme le mien, les personnages font partie intégrante du paysage. Les uns et les autres romans de ce genre se valent, mais se rangent selon moi dans ces deux catégories.

Pour nous français, c'est difficile d'imaginer une telle connexion, car nous ne possédons pas de paysages aussi grandioses...

Pour moi, les vastes espaces de l'Ouest américain, du Montana en particulier dont la surface (2/3 de l'hexagone) est proche de celle de la France, ne sont pas vraiment différents des paysages français. La seule différence c'est qu'ils sont peuplés par moins de personnes et que cela donne l'impression d'étendues sans limite. Mais, il suffit de garder son esprit en éveil et vous aurez la même impression. 

De quoi parlent vos recueils de nouvelles précédant Les Arpenteurs ?

Il s'agit d'histoires publiées dans trois différentes anthologies : celle des meilleures histoires de chasse, des meilleurs nouvelles de fiction et des nouvelles histoires du Montana. C'est vraiment différents des Arpenteurs, mais le commun dénominateur reste le paysage et la manière dont les personnages y évoluent. Le plus souvent, je n'y ai pas prêté attention, car vous ne pensez pas à ce que vous écrivez en l'analysant en ces termes. Mais, c'est vrai que la nature influence mes personnages et leurs actes.

Donc, pour vous, la cellule de prison ou vos deux personnages dialoguent agit sur eux à la manière d'un paysage ?

C'est tout à fait possible, comme un paysage rêvé, mais avec la beauté du paysage en moins (rire) ! Un paysage grandiose pouvant aussi constituer une prison pour certains personnages qui peuvent se sentir en insécurité, seuls dans une nature sauvage.

Quel est le thème de votre prochain livre ?

Le sujet de mon prochain roman est très différent des Arpenteurs. L'action se déroule dans une petite ville américaine confrontée à la montée du nationalisme fondé sur la suprématie de la race blanche. Un thème très actuel dans notre pays et sans doute en Europe également. Seulement, parce que certaines catégories de personnes s'estiment supérieures à d'autres, à cause de la couleur de leur peau. Car, même dans les magnifiques paysages du Montana, le mal peut se manifester et cela me préoccupe.

Propos recueillis et traduits par Herve CIRET, lors du festival Etonnants Voyageurs 2015

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